فوزي كريم 

Fawzi Karim

 

 

 

 

CRITIQUE DE LIVRE
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Bagdad ressuscitée

 

La guerre qui s'achève projette une lumière noire sur le beau recueil du poète irakien Fawzi Karim, exilé à Londres.

Titre: Continent de douleurs
Auteur: Fawzi Karim
Editeur: Empreintes
Autres informations: Trad. de Saïd Farhan, 117 p.

 

 

Marion Graf, Samedi 26 avril 2003

 

 

 

«Et la poésie, cheveux courts, sur la colline observe les choses [...] La poésie s'exile toujours/ et son dos, même tourné, est familier.» C'est dans son exil londonien que Fawzi Karim, poète, essayiste et critique musical, né à Bagdad en 1945, a publié en 1995 Continent de douleurs. Saïd Farhan et les Editions Empreintes ont préparé ce livre durant plusieurs années: nous leur devons la découverte d'une voix forte, dont les événements récents ne font que souligner l'actualité. Car le propos du poète est ici, à partir de sa propre situation, par exemple lorsque «l'écran de télévision est trop étroit pour contenir les coups», d'essayer «entre le réel et l'irréel, d'embrasser l'éternel».

Sept parties d'inégales longueurs articulent les stations d'une méditation autobiographique douloureuse et décantée, riche en images visionnaires, mais libre de tout geste oratoire. Au cœur du propos, au centre de l'Histoire, des légendes et de la mémoire personnelle et collective: Bagdad. «Dans la lumière, la ville devient eau et palmier.» Ville grouillante dans ses impasses et ruelles, ses tavernes, ses ponts, son passé de violence et d'épopée. Ville ressuscitée par la mémoire, où se mêlent les odeurs de cadavre et d'alcool, l'humidité et le désert, où Gilgamesh erre, portant le masque du présent, où les maisons sont «entassées comme des miches de pain», et les fenêtres «comme des tamis». Et tandis que «les eaux du Tigre sont interdites et interdite l'odeur des poissons», «Bagdad dévoile ses paumes cloutées/ et le Christ s'allonge sur la croix».

Plus de héros, plus de grand chant continu, l'épopée est en miettes, présente encore parfois au détour de la versification. Comment trouver les mots pour dire le pays perdu, quand un peuple terrorisé répète inlassablement: «Nous mourons et la patrie vivra»?

Loin de se payer de mots, cette poésie refuse toute allégeance à une idéologie, et se veut un instrument pour comprendre le monde et soi-même, par les moyens de l'élégie, de l'écoute avide du présent, et des poètes d'autrefois. Un autoportrait du poète avec son double, en couverture du recueil, signale cette démarche introspective qui prend la forme du questionnement essentiel, métaphysique, d'un homme «interloqué», «embarrassé»: «Les questions m'éparpillent.» «Ne pas avoir de solution me suffit.» Comme accordé à l'insouciance de la nature, comme un espoir aussi, le rire éclate parfois, le goût de vivre, de boire: «Désirs, je ne peux vous restreindre,/ je ne peux attacher vos chevaux qui s'élancent et/ qui s'éclipsent derrière les nuages.»

 

 

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